Redécouvrir la musique ancienne
Un “continent perdu”. Telle est l’expression employée par Judith Kraft pour évoquer sa perception de la musique dite ancienne lorsqu’elle s’y intéresse pour la première fois. Très prisé aux XVIIe et XVIIIe siècles, ce répertoire musical d’une incroyable richesse est pourtant tombé dans l’oubli après la Révolution. Il faut attendre le début des années 70 pour que la musique ancienne, et surtout le défi que lance sa redécouverte, suscitent un engouement nouveau. Judith Kraft, américaine d’origine, s’installe à Paris à cette époque. Portée par le mouvement naissant, la Maître d’art décide de se consacrer entièrement à la reconstitution des instruments à cordes anciens : les violes de gambes, les vièles médiévales, les violes baroques.
Judith Kraft appartient au cercle des “redécouvreurs” : des professionnels et des passionnés, mais aussi des chercheurs. Ces pionniers ont exploré les ressources littéraires et iconographiques héritées du passé en quête, non
seulement des anciennes techniques de fabrication instrumentale, mais surtout d’une esthétique sonore et de tout un univers symbolique.
« Les luthiers de ma génération ne pouvaient pas s’appuyer sur l’expérience de nos aînés, raconte Judith Kraft. Il fallait, à partir d’éléments qui nous sont parvenus, reconstituer des instruments avec leur monde sonore. »
Si la Maître d’art considère l’apprentissage de la lutherie classique comme une base utile, elle estime cependant que bien des aspects de la lutherie ancienne sont à chercher ailleurs :
« Chaque luthier avait ses techniques, chaque époque ses exigences, la fabrication de ces instruments est beaucoup moins normalisée que ne l’est celle de la famille des violons. »
Bien loin des standards, les violes de gambe se caractérisent par une ornementation très recherchée. La sculpture, la marqueterie, les incrustations, la peinture décorative et la dorure sont autant de techniques que maîtrise Judith Kraft et qu’elle souhaite enseigner à son Élève. Le partage des connaissances fait partie de sa vision du métier. Tout au long de sa carrière, elle a multiplié les conférences et les interventions auprès du grand public comme de publics plus avertis. Elle est aussi à l’origine d’une rencontre biennale qui réunit les spécialistes européens de la viole de gambe depuis 15 ans. Pour Judith Kraft, son savoir-faire n’est pas un savoir absolu mais plutôt une recherche continuelle, c’est pourquoi la transmission en atelier est essentielle.
